La commande initiale porte sur la réhabilitation d’une construction du XVIIIe siècle, installée sur la butte médiévale constituant le centre ville de Clermont-Ferrand. La configuration initiale du tissu bâti ne laisse à la maison qu’une seule façade orientée au Nord sur une rue très étroite. Pour cette raison, la maison transformée en petit immeuble de rapport au début du XXe siècle, n’a pas été habitée depuis une trentaine d’année, malgré la situation très favorable dans la ville, à deux pas de la Place de Jaude. Elle est alors dans la catégorie des quelques biens exclus des marchés immobiliers de centre-ville par leurs caractéristiques : petit, sombre, en mauvais état, sans garage, etc. Personne n’est intéressé par une construction qui ne voit pas la lumière du jour, pourrie par l’humidité, insalubre.
Toutefois, le maitre d’ouvrage privilégiant avant tout autre chose la situation dans la ville et peinant à trouver mieux, sollicite quand même notre avis avant d’écarter l’achat. Après une visite attentive et quelques petites vérifications de faisabilité, nous acceptons la proposition comme un challenge, celui de redonner une valeur patrimoniale à une architecture qui l’avait totalement perdue.
Nos premières recherches sont tournées vers l’exploration des capacités techniques et réglementaires de cette architecture à faire rentrer la lumière et à dégager des vues, conditions essentielles à l’habitat, même en centre-ville.
La proximité de la façade lui faisant face, l’orientation au Nord et la composition historique ne rendaient pas pertinent le percement de nouvelles ouverture sur la façade principale, sur rue. Après négociation avec les voisins, une petite cour étroite contigüe, qualifiée en cour commune dans la vente, nous a permis d’ouvrir une grande baie sur l’ancien héberge, en façade Est, permettant de profiter de quelques rayons de soleil le matin et ouvrant une très belle vue biaise sur la cathédrale de Clermont-Ferrand.
Ensuite le PLU de la ville autorisant des alignements en hauteur sur les maisons voisines, nous avons pu construire un étage supplémentaire en se calant finement sur le profil voisin, laissant à peine 1,80m en bas de pente intérieure du dernier étage.
La maison devient une petite tour habitée sur cinq étages. Au dessus de la cave semi-enterrée, le premier étage est celui de l’entrée et de l’atelier, le deuxième accueille deux chambres dont une éclaire en second jour la salle de bains. Les espaces de vie s’articulent sur les trois niveaux supérieurs autour d’un volume en double hauteur, ouvert sur une grande baie, entre la salle de danse et le petit salon. La cuisine s’installe au dernier étage, dans l’extension.
La toiture et les arases des murs étaient très endommagés par l’humidité. Nous avons superposé un premier ouvrage en béton, dalle et ceinture structurelle, reprenant les faiblesses du haut des murs en pierres et contreventant l’ensemble. Au dessus, le dernier étage est une structure légère en ossature bois, facile à monter à la main au cinquième étage dans une rue inaccessible aux camions et aux grues. Depuis la ville, la surélévation, recouverte de zinc en façade, est un prolongement de l’idée de toiture. Elle se superpose aux vieilles façades enduites de la maison d’origine comme un ouvrage de couverture.
Rendu possible à quelques centimètres près, ce cinquième étage est une aubaine. C’est d’abord l’occasion d’ouvrir des vues imprenables sur le paysage des toits du centre ancien jusqu’à la cathédrale et plus loin sur la chaine des Puys, vues qui n’existaient nulle part dans la maison d’origine, trop basse. Ensuite le recul sur l’alignement de la nouvelle façade Est dégage une loggia panoramique, un petit jardin en terre sur bacs en contrebas, espaces extérieurs ouverts sur la ville. Enfin, combinée à un décalage dans le plancher béton du dernier étage, ce recul nous permet de nouvelles ouvertures, laissant entrer la lumière au cœur de la maison par deux bandeaux vitrés, donnant sur le salon du quatrième étage et sur la salle de danse du troisième.
La configuration verticale de la maison et la petite surface de chaque étage nous a poussé à imaginer les situations d’habiter dans une logique d’efficacité fonctionnelle et de modularité. Comme dans un bateau, chaque pièce est organisé autour d’un ensemble de mobilier sur mesure, fabriqué avec les très économiques panneaux de troisplis épicéa.
Des placards sur mesure s’adaptent à chaque recoin des murs existants biais, des volets intérieurs ouvrent la salle de bain sur la chambre au dessus de la baignoire, l’arrière du meuble cuisine servant de garde-corps intègre un plancher escamotable permettant l’accès à la bibliothèque en hauteur, le placard du salon de danse cache un lit rabattable, etc.
Aux deux bouts de la chaine, le mobilier sur mesure et les importants travaux de réparation de l’enveloppe ayant obéré une partie importante du budget, nous avons adopté une stratégie économique sur le second œuvre autour du réemploi de matériaux et de mise en exergue de surfaces brutes du gros-œuvre.
Les ouvrages de renfort et percement en béton, les poteaux de la façade en bois, les solives des planchers neufs ont été conservés dans leur état de chantier. Le mur en pierres de la maison voisine a été laissé visible dans la cuisine, les parois en plâtre usées par le temps ont été conservées. Les vasques ont été récupérées sous la poussière, un tube de cuivre coudé et deux vannes de chauffage fabriquent les robinets. Les grosses ampoules sont les pièces les plus chères des suspensions en tube de cuivre de la salle de danse.
Au final, le prix au mètre carré comprenant l’acquisition et les travaux y compris le mobilier sur mesure ne dépasse pas 2300 euros HT. Dans les opérations neuves, bas de gamme, proches du centre de Clermont-Ferrand, aucun bien ne se négocie en dessous de 3000 euros HT. Dans un contexte de réflexion sur la mixité des centres métropolitains ou de limitation des extensions urbaines, Il s’agit là d’affirmer qu’au delà-même de toute considération culturelle, simplement sur le plan économique, aucune construction existante dans un tissu bâti de centre-ville, aucun patrimoine ne réunit les conditions suffisantes à sa démolition.