Parc Naturel Régional Livradois-Forez
Le village de Bertignat est situé à une dizaine de kilomètres de la ville d’Ambert, sur les pentes du Livradois à 750 mètres d’altitude. Cette petite commune de moins de 500 habitants a décidé de créer des logements neufs pour accueillir de nouveaux habitants en aménageant des terrains situés sur une butte orientée Ouest, Est et Sud, surplombant le bourg, entre l’école et la statue de la Vierge du Puy Bayou qui domine le village. Si ce site bénéficie d’un large ensoleillement, ainsi que d’une vue panoramique sur les crêtes des Monts du Forez, il est incidemment très exposé. Les élus ont senti très tôt la nécessité d’adopter une attitude discrète et raisonnée quant à l’urbanisation de ces terrains. En opposition aux traditionnels lotissements pavillonnaires, le nouvel éco-hameau est conçu dans une démarche environnementale permettant la construction d’un habitat très performant sur le plan énergétique, la création de nouveaux lieux de vie et témoignant d’une architecture contemporaine marquante. Le projet, dont les deux premières phases sont en cours de réalisation, a débuté en 2008. Il a reçu le prix écoquartier du ministère de l’écologie dans la catégorie milieu rural en 2011.
Le dessin et le règlement de l’éco-hameau sont en adéquation avec la nouvelle charte du Parc du Livradois Forez visant à adopter un urbanisme plus frugal en espace et en énergie. La première intention, qui diffère des lotissements classiques, est de conserver un vide central dégageant un large cône de vue sur le village depuis la Vierge du Puy Bayou. Cette prairie devient un terrain de jeu pour les enfants, un verger partagé et garantit un cadre de vie agréable où chaque construction reste proche de la nature. Autour de ce pré public, le projet fait le choix de la mixité en faisant cohabiter des petites opérations de logements sociaux, des parcelles libres construites en autopromotion et un petit équipement communal.
La voie carrossable créée est une figure en S dont les deux voies transversales d’accès sont très en pente et dont la branche centrale est une esplanade plate, plantée, le lieu des rencontres, des déplacements à pied entre les maisons. Les parcelles sont rangées biaises, selon un angle permettant à chacune d’entre elles de garder une vue dégagée au sud sur l’église et à l’est sur les monts du Forez et installant les conditions de constructions passives. Le bas des parcelles est une zone non-constructible qui devrait permettre de conserver le caractère naturel des espaces en bas de pente, et d’offrir une prairie comme premier plan. Les typologies de constructions autorisées laissent les maisons intégrées à la pente naturelle du terrain tout en préservant la vue de chacun et formeront le motif du paysage depuis le village.
La pente Ouest, ouverte sur les monts du Livradois est occupée par 2 opérations de maisons en bande accolées reproduisant le dispositif vernaculaire des fermes à cour et du couderc, espace collectif central.
Un petit équipement communal viendra se loger dans la pente, entre ces deux opérations, il devrait accueillir une petite salle des fêtes et des bains ruraux pour les Bertignatois, et contribuera avec les espaces publics extérieurs, à l’animation du nouveau quartier.
Ensuite, détachées de la partie centrale, deux opérations viennent faire la jonction avec le bourg existant. D’abord, en contre bas de la Route de Pont-de-David, une petite opération de logements collectifs s’étagera dans la pente. Ensuite une parcelle libre à l’arrière de l’école sera aménagée pour permettre à cet équipement symbolique et charnière dans le plan du village de se retourner sur un petit jardin public, une opération de logements et d’un nouveau chemin piéton joignant l’éco-hameau.
A la suite du projet urbain, la commune a choisi de nous confier la maitrise d’œuvre des espaces publics de l’éco-hameau. Ces aménagements sont réalisés avec des matériaux naturels et perméables (mélange terre/pierre, dalles alvéolaires, sable stabilisé) ou choisis de manière à renforcer le caractère piéton (béton désactivé). Nous avons souhaité nous appuyer sur des aménagements de type rural, paysan (fossés, murs, plateforme stabilisée, etc.) mais géométriquement et plastiquement maitrisés au travers d’un nivellement de lignes tendues, du dessin précis des petits ouvrages hydrauliques en béton, etc. La voie principale nouvellement créée, dont la partie carrossable est étroite et qui présente une surlargeur de croisement en gazon renforcé dessert chaque lot mis en retrait de la voie par une série de petits bassins d’orages plantés qui recueillent les eaux pluviales et préservent l’intimité des espaces privés sur la parcelle.
Les limites parcellaires sont soulignées dans la pente par des murets de pierres sèches, mis en œuvre par l’association de réinsertion Détours (basée dans le Livradois-Forez). De même, les eaux de voirie et une source découverte lors des terrassements sont envoyées dans une fontaine en pierres et métal qui longe sur plusieurs dizaines de mètres les maisons et le chemin piéton reliant le haut et le bas du quartier.
Afin de permettre la greffe entre les futurs habitants du quartier et ceux déjà présents dans le bourg, plusieurs actions et rencontres ont été menées ou sont programmées : journées de formation de construction de murets en pierre sèches, visites dans les nouveaux logements sociaux, etc. Au printemps de cette année, grâce à l’animation d’une jardinière ethnobotaniste, Nathalie Batisse, les habitants du village ont été invités à plusieurs journées de plantations organisées de la manière suivante : découverte de l’histoire, des légendes, de l’étymologie des plantes présentes dans les jardins du village, bouturages, transplantations et enfin plantations des espaces publics de l’éco-hameau. Cette méthode, économiquement avantageuse, permet d’installer l’espace public comme le premier lieu de rencontre et garantie le respect et l’entretien des plantes par les habitants eux-mêmes.
Pour la réalisation des parcelles à vendre pour maison individuelle, la commune a souhaité mettre en place un dispositif d’animation autour du principe d’habitat groupé. En se rencontrant dès la genèse du projet de conception les propriétaires exposent leurs intentions et construisent un ensemble cohérent, sans se gêner les uns les autres. De plus ce système devrait leur permettre de réaliser des économies en limitant le nombre d’intervenants sur les chantiers, en mutualisant les ressources et matériaux pour diminuer les coûts et en laissant ouverte la possibilité d’avoir recours à l’auto construction pour certains travaux. Pour cela, nous nous sommes entourés d’un bureau d’étude (COOPERACTION) spécialiste des démarches de ce type et d’un thermicien (ENTHALPIE). Au travers de fonds européens pour l’expérimentation, la collectivité finance pour chaque constructeur les études thermiques et architecturales jusqu’au permis de construire en échange de la participation aux actions d’habitat groupé. Elles consistent en un ensemble de réunions thématiques (le chauffage, l’isolation, le paysage, etc.) ou spécifiques (partage des projets individuels) et ont pour but de faire émerger des projets collectifs et de préparer la vie en commun. La démarche en cours a vue jusque-là les futurs habitants s’entendre sur la réalisation d’une chambre d’amis intégré à une des maisons, d’un petit verger, d’un poulailler et d’un abri pour outils de jardin achetés en commun.
Enfin, comme une première étape, catalyse du projet, la commune de Bertignat a décidé la construction de 3 logements communaux sociaux dont la maitrise d’œuvre nous a été confiée. L’opération est la pierre angulaire du plan masse, au milieu du chemin piéton, le long de la fontaine et constitue le premier plan depuis le village et la route basse.