Boris Bouchet Architectes

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Maison de retraite, Arlanc, avec l’Atelier d’Architecture Simon Teyssou

 

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Le projet de réhabilitation de la maison de retraite d’Arlanc, destiné à améliorer le confort des résidents à travers la suppression de la plupart des chambres doubles existantes, s’étale, de 2009 à 2014, sur 3 phases correspondant à la réhabilitation des deux bâtiments existants et d’une extension.

Le bâtiment institutionnel de la fin du XIXe siècle s’ouvre sur un mail planté à l’entrée Nord du village et à l’arrière  sur une vaste enceinte, close de murs en pisé et ouvertes sur les monts du Forez. Malheureusement, l’établissement avait peu à peu transformé ce jardin en une grande cour technique bitumée permettant livraisons, stockage des produits, gestions des déchets, du linge, etc. Le projet résout donc, en premier lieu, la gestion des flux techniques au travers de l’installation d’une discrète rampe de livraison, parallèle au bâtiment existant, qui permet de libérer tout l’arrière du site pour l’installation de l’extension et de nouveaux jardins.

MRA situation
Le paysage du Parc Naturel Livradois-Forez est marqué, sur la partie sud, par l’élargissement de la vallée qui fabrique une grande pièce paysagère dont les monts du Livradois et du Forez constitue le fond de scène à l’Est et à l’Ouest pour finalement se rejoindre au Sud au dessus du village d’Arlanc. A l’opposé d’une extension incongrue, construite dans les années 80 sur un plan à 45°, le bâtiment historique de l’hospice est allongé dans le sens de la vallée. Afin de réaffirmer ce rapport au grand paysage de l’établissement, la nouvelle extension est implantée, dans la longueur de la vallée, comme le miroir de la première construction.

Plan du RDC de la Maison de Retraite
Plan du RDC de la Maison de Retraite

Le plan à cour, figure récurrente de l’histoire de l’architecture, est ici étiré dans le sens de la vallée de la Dore. La grande façade Est, parallèle au bâtiment institutionnel de l’ancien hospice, fabrique, par couches successives, le premier plan depuis les franges du village et les monts du Forez. La nouvelle unité destinée à l’accueil de résidents désorientés, fabrique un paysage intérieur contre le bâtiment existant. Le caractère clos du lieu offre un jardin thérapeutique sécurisé pour les résidents, directement accessible depuis les chambres.

Photographe: Benoît Alazard
Photographe: Benoît Alazard

Les maisons de retraite de campagne accueillent des personnes âgées ayant habité toute leur vie dans des petits villages où les liens sociaux s’établissaient sur le pas de la porte, sur la place. Les gérontologues décrivent les couloirs comme des lieux de déambulation, venant en remplacement de l’espace public du village. Le projet s’appuie sur la valorisation des espaces de déambulation avec un principe de desserte des chambres d’un seul coté du couloir permettant d’ouvrir des vues sur l’autre paroi de celui-ci et d’aménager par des renfoncements, des jeux de plafonds, de lumière ou de matière des espaces domestiques partagés.

Photographe: Benoît Alazard
Photographe: Benoît Alazard

Le plan organise un parcours autour de la figure de la cour en rasant le jardin sous la pergola et à l’intérieur de la façade vitrée d’abord, puis par un jeu d’inversion des vues, en longeant le paysage des monts du Forez dans le long couloir percé de la façade Est pour finalement se terminer par une promenade face au village et à l’église romane. Malgré la forme rigoureuse du plan, chaque espace présente ainsi un caractère singulier en faisant varier les vues sur l’extérieur (jardin, bas-village, monts du Forez), les mesures (variation des hauteurs et des largeurs des distributions), la lumière (baies larges ou étroites, ouvertures du toit) ou les matières (sols et plafonds en bois).

MRA dessins planche 2
La coupe, qui s’étire immuablement  en longueur et se replie deux fois en plan, explore la figure du toit à double pente en tuiles rendu obligatoire par le règlement d’urbanisme. Le décalage des toitures permet d’ouvrir un troisième étage de façade sur le village, donnant un rapport d’échelle plus pertinent avec l’ancien hospice et offrant une lumière haute aux lieux de déambulation, espaces majeurs du projet. A la manière du compluvium, le grand pan de toit descend dans le jardin reproduisant la figure locale des fermes à cour. Les grands débords de toit portés par les chevrons doublés, le recul des chenaux au niveau de la façade pour laisser le dessin des tuiles au bord du toit affirme la caractère agreste des lieux.

Photographe: Benoît Alazard
Photographe: Benoît Alazard

Le grand U de l’extension présente un volume composite. D’abord, le rapport au sol en pente moyenne est assuré par un socle en béton gris, doublé sur la façade Nord par une rampe et un escalier jouant le rôle d’entrée secondaire de l’établissement.

A l’arrière, à l’Est, le rez-de-chaussée est occupé par une large cale en béton blanc, décalée du volume principal en bois, qui exprime l’idée d’empilement des volumes. Elle dialogue avec les murs en pisé clôturant la parcelle et caractéristiques des franges du village. Si la banche n’est pas lisse, le mur est la représentation définitive sur l’architecture du moule qui a servi à le construire. Le moule se dessine alors comme une façade. Il exprime l’assemblage des cadres et des panneaux pleins marqués par les joints creux. Le béton a une échelle, une orientation, verticale ou horizontale, les planches de bois du coffrage parlent à celles du bardage. A la différence du bois, le dessin précis de la façade en béton ne donne pas le résultat des précieux meubles en bois qui la jouxte mais une masse rustique, remplie de défauts, traces de coulage, petits nids des graviers noirs. Tout le caractère du projet s’appuie sur la dialectique d’un dessin précieux et d’une mise en œuvre rustique.

Le contexte de la Vallée de la Dore dont le territoire est recouvert de forêts de résineux, laisse apparaître le choix du bois comme une évidence dans un village qui compte deux des plus importantes scieries de France. Posé sur les parties en béton, le grand volume en U est un assemblage de murs en ossature bois en sapin, d’un plancher et d’une charpente en lamellé-collé douglas, de menuiseries extérieures et bardage en mélèze. Dans le Parc Livradois-Forez, la maison de retraite d’Arlanc apparaît comme le symbole d’une nouvelle donne de la filière bois. Les scieries de la région, prenant conscience du fort potentiel de la ressource forestière, se sont lancés depuis quelques années, dans l’installation d’outils de transformation modernes. La scierie Veyrière à Arlanc a notamment ouvert, quelques mois avant le chantier, une nouvelle usine de lamellé-collé. L’utilisation massive du bois dans cette construction publique, que nous avons porté contre les réticences initiales du maitre d’ouvrage, est un engagement politique d’architectes pour un territoire. La question n’est pas seulement esthétique mais économique, sociale. « Nous héritons du bois planté par nos grands-pères, nous faisons travailler les abatteurs, scieurs, charpentiers du Livradois-Forez »

L’entreprise Veyrière présente la singularité d’avoir adossé à la grosse entreprise de sciage et de transformation, une petite équipe d’une dizaine de charpentiers. Nous avons construit ce bâtiment avec eux assurant en premier lieu l’origine locale des bois par le suivi des fiches de lots de coupe. La relation est non seulement efficace économiquement (prix inférieur à une construction en béton) mais également passionnante sur le plan architectural car elle nous a offert une grande liberté dans le dessin, sans catalogue de mesure imposée, sans négociation sur les volumes de bois employés.

Le dessin particulièrement soigné et complexe des bardages est une expression de cette relation avec le milieu qui construit le bâtiment, une sorte de reconnaissance d’une ressource et d’un savoir faire.

Deux registres s’opposent. L’intérieur de la cour est marqué par le tressage des filtres en bois, support des balcons, dispositif d’intimité entre le jardin et les chambres, pergolas d’entrée. Autour des clématites, amélanchiers ou chèvrefeuilles, les façades superposent plusieurs couches, comme un tissage, des bandeaux horizontaux colorés et des claustras verticaux. Les trois façades extérieures construisent le rapport au village par un assemblage de panneaux en bois préfabriqués en atelier. Traités comme des meubles, les panneaux, cadres en saillie et remplissage vertical, se confondent avec les pré-cadres des fenêtres. Ce registre n’est pas rustique, ne s’appuie pas sur un modèle vernaculaire, il est la réponse aux grandes fenêtres verticales de l’ancien hospice, l’expression discrète d’une nouvelle institution.

MRA dessins planche 1

Photographe: Benoît Alazard
Photographe: Benoît Alazard